« Par l’adaptation, on permet des installations qui redeviennent ou restent viables »
Dans une interview à La France Agricole, Marc Fesneau, le ministre de l’Agriculture, revient sur les mesures du pacte d’orientation et d’avenir agricoles.
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En quoi consiste le futur guichet unique du réseau « France Services Agriculture » ?
Nous aurons un point unique d’entrée pour quelqu’un qui cherche à s’installer, c’est-à-dire qu’il n’aura pas de travail préparatoire à faire en se demandant où et à quelles structures s’adresser. Cette porte d’entrée unique, ce seront les chambres d’agriculture. La date de création est prévue pour 2025.
On offre avec ce premier point d’entrée, la capacité de choisir ceux qui accompagneront ensuite le projet du futur agriculteur. Un accompagnement qui prendra en compte le projet économique, le projet social, et le projet de transition écologique, avec une pluralité de structures accompagnatrices. J’y tiens beaucoup.
Est-ce que le passage à ce guichet sera obligatoire pour bénéficier des aides à l’installation ?
D’un point de vue constitutionnel, on est en train de voir à quelles conditions on peut rendre obligatoire le passage à un guichet. En tout état de cause, nous voulons être sûrs que les gens à qui on donne des moyens d’accompagnement au foncier, d’accompagnement à la transition, soient bien dans un cadre où l’on sait que leur projet est tenable et viable.
C’est par ce moyen-là qu’on incitera les futurs installés à passer par ce guichet. Le fait que les régions, l’État et les OPA (organisations professionnelles agricoles) convergent vers ce dispositif, me paraît être un élément de nature à rassurer tout le monde.
Comment sera garanti le pluralisme dans l’accompagnement à l’installation-transmission ?
Nous y serons vigilants dans les décrets d’application. L’idée est de faire en sorte qu’il y ait une labellisation des profils dans les structures comme les chambres d’agriculture, les Civam et les associations type Terres de liens.
Il faut que tout le monde comprenne bien qu’il est dans l’intérêt collectif que tous les porteurs de projets soient accompagnés. Je fais confiance aux conseils régionaux avec l’État et les organisations professionnelles, pour faire en sorte que le pluralisme soit bien au rendez-vous.
En quoi consistera le diagnostic modulaire pour l’accompagnement des transmissions et des installations ?
L’objectif est d’évaluer la transmissibilité des exploitations. Le premier module du diagnostic sera affecté à l’évaluation économique, sociale et environnementale de l’exploitation à céder.
Un deuxième module évaluera l’adaptation et la viabilité du projet dans le temps, au regard des conditions climatiques du territoire, et de leur évolution.
Un dernier module consistera en une évaluation de la qualité et de la santé des sols. On sait que c’est un élément important à la fois de la transition et de la capacité de résilience.
À partir de quand ces diagnostics seront-ils en place ?
Leur mise en œuvre se fera plutôt à partir de 2025 compte tenu du calendrier d’examen de la loi d’orientation.
Est-ce que cela ne risque pas d’écarter des exploitations qui ne seront pas transmissibles, si le diagnostic montre qu’elles ne sont pas viables ?
Je ne crois pas qu’il existe des exploitations qui ne sont pas viables. Certaines sont plus en difficulté dans le cadre de la transmission, ou face aux défis de la transition que d’autres. Le diagnostic permettra d’identifier quelles sont les transitions qu’il faut opérer. C’est le meilleur service qu’on puisse rendre à un cédant et à un repreneur.
On permet des installations sur des modèles qui, sans changements, ne sont pas viables, mais qui par l’adaptation, la transition et les moyens qu’on met, peuvent le redevenir ou le rester.
Comment seront financés ces diagnostics ?
Une partie de ces éléments sont financés dans le cadre de la planification écologique, mais aussi par les moyens supplémentaires affectés au Casdar, qui finance les structures d’accompagnement des agriculteurs. S’il y a besoin de financements complémentaires, ce sera débattu dans le cadre du budget de 2025.
La loi d’orientation prévoit la création de groupement foncier agricole d’investissement. Leur objectif est d’attirer de nouveaux capitaux vers l’agriculture, mais comment éviter les dérives ?
C’est une question qui fait plutôt partie du débat parlementaire, et qui pourrait être cadrée dans les décrets d’application. Ce que nous imaginons, c’est d’encadrer la part de foncier qui peut être détenue par un seul investisseur qui n’est pas directement lié au projet ou encore le fait que les futurs exploitants prennent bien part au tour de table financier.
L’objectif est de faire en sorte qu’il n’y ait pas, par des voies détournées, une main mise sur le foncier qui viendrait dévoyer la capacité à exploiter de l’agriculteur. Aujourd’hui lorsque des PME/PMI veulent construire ou développer une activité, personne ne trouve anormal qu’il y ait des investisseurs. C’est la même logique qui doit être favorisée en agriculture.
En quoi l’allongement de la durée de stockage du foncier par les Safer, pourra amener à mieux accompagner le renouvellement des générations ?
L’idée est de donner aux Safer, ou aux autres structures de portage, davantage de moyens pour préempter et acquérir du foncier. Elles pourront ainsi stocker plus longtemps les terres, pour se donner le temps de trouver le porteur de projet qui correspond, plutôt que d’aller vers l’agrandissement.
C’est notamment l’objectif du fonds « entrepreneurs du vivant » doté de 400 millions d’euros qui viendra en soutien aux fonds de portage de foncier des Safer (fonds Elan notamment), ou d’autres établissements publics.
L’une des mesures est consacrée à la sécurisation et l’accélération des projets de stockage de l’eau. Qu’est-ce que cela signifie ?
Nous souhaitons revoir la réglementation afin que la présomption d’urgence soit reconnue devant le juge des contentieux pour les projets destinés au stockage de l’eau. Il faut aussi regarder le degré de juridiction qu’il faut supprimer pour accélérer les procédures. C’est le travail que nous lançons pour aboutir en 2024.
Évidemment, le sujet n’est pas d’en rabattre sur la question des contentieux. Par ailleurs, avant les contentieux, il y a des études. Tout cela n’est pas remis en cause. On veut lancer le même travail sur les projets de bâtiments d’élevage soumis aux installations classées (ICPE). Il y a un travail approfondi à faire en ce domaine.
En quoi consistera le plan engrais ?
L’objectif du plan engrais est de retrouver de la souveraineté, de faire en sorte qu’on ne dépende pas de manière démesurée des importations pour nos fertilisants. Il faut qu’on ait une trajectoire, qu’on identifie quels sont les partenariats qu’il est possible de nouer, et définir comment on organise notre demande en engrais de manière à être moins dépendants d’importations extérieures.
Comme pour le plan de souveraineté pour les fruits et légumes, cela nécessite quelques mois de travail afin que cela aboutisse. Dans le cas du plan engrais, il y a un élément complémentaire : les industriels. Il faut qu’on travaille avec le ministère de l’Économie sur ce point.
Dans une des mesures, vous évoquez 2 milliards de prêts garantis par l’État. Comment cela fonctionne-t-il ?
C’est un prolongement du fonds Inaf (Initiative nationale pour l’agriculture française). C’est avec les banques que nous construirons cela. L’État vient couvrir le risque jusqu’à 2 milliards de prêts garantis pour ceux qui s’installent ou portent des projets de transition.
Ce dispositif se destine à ceux pour lesquels l’accès au prêt est un problème, ceux pour qui il y a des besoins de transition qui sont importants et pour qui, s’il n’y a pas ces garanties-là, il n’y a pas accès au prêt.
Quand sera examinée la loi d’orientation et d’avenir agricoles au Parlement ?
On se donne pour objectif d’avoir une première lecture dans les deux chambres entre le premier et le deuxième trimestre, donc une première commission mixte paritaire en mai-juin. L’objectif est qu’avant l’été, on se soit donné les moyens de pouvoir aboutir sur le texte.
(1) Photo réalisée en septembre 2023.
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